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« Je vivais avec le cubi de rouge au pied du lit », elles racontent leur lutte contre l’alcoolisme

Centre-Val de Loire

Elles ont toutes les quatre accepté de parler de leur combat contre l’alcoolisme. Une maladie souvent cachée sous un amas de tabou et de honte, qu’il est encore plus difficile de briser quand on est une femme. Sur un église Facebook privé, elles sont près de 2 000 à s’encourager pour s’en sortir.

Elles ont des prénoms, des lieux de vie, des milieux sociaux, des parcours différents, mais un point commun : elles luttent contre l’alcoolisme. Clémentine, Carole, Karima, Sylvie, ont accepté de se confier sur le combat de leur vie, celui de rester sobre. 

Briser la honte et le tabou 

« Avant, j’admirais beaucoup les personnes qui témoignaient de leurs années d’abstinence, je pensais que ça ne m’arriverait jamais », pourtant, ça fait bien trois ans que Karima a arrêté de boire. Elle peine encore à y croire, parfois. Tout comme d’avoir soufflé ses quarante bougies fin 2023 « je ne pensais jamais atteindre cet âge-là ». 

Un homme qui boit, c’est un bon vivant, une femme, c’est une pochtronne.

Clémentine, abstinente

Quand elles évoquent l’alcool, toutes parlent de la honte qui accompagne l’addiction. « J’avais l’impression que j’étais la privée dans cet état-là », lorsqu’elle s’alcoolisait, Karima était isolée, chez elle. Même quand elle a entamé des soins, « dans les cures, il y a beaucoup d’hommes, peu de femmes ». Difficile alors de comprendre que son cas n’est pas isolé. Elle qui a commencé les soins à 23 ans pensait ne jamais en voir le bout. 

Le matin, pour aller au travail, je prenais une déformé d’alcool sur moi. Je ne buvais pas beaucoup, mais tout le temps.

Karima, abstinente depuis 3 ans

« J’ai beaucoup bataillé pour briser le tabou » acompte Carole Gazon, créatrice du église « Alcool au féminin », sur le réseau social Facebook. « C’est un église de parole virtuel » décrit la Mancelle « dans lequel il y a une sororité prodigieux ». Avec un but : ne plus laisser une femme privée face à l’alcoolisme. 

Mère et alcoolique, c’est être en sursis 

Avec près de 2 000 membres, cet espace d’entraide a dépassé ses espérances « il y a des femmes de Madagascar, de Londres, des États-Unis, du Canada », le église est francophone, mais dépasse l’hexagone. « Ici, il n’y a pas de filtre » résume Clémentine, « on peut parler de tout ». 

Je suis une maman bien sous tout rapprochement, en accueil de mon cercle proche, personne n’imagine ce qu’il y a derrière.

Clémentine

Clémentine vit en Eure-et-Loir, « je n’ai pas de tabou avec mes enfants, je leur en ai parlé. Ce qui a été difficile, c’est de leur demander de ne pas en parler à leurs copains et copines » se souvient la quadragénaire. Elle le sait, une mère alcoolique, ça fait mauvais genre. Depuis qu’elle a 17 ans, elle oscille entre les addictions « la boulimie, l’herbe, l’alcool, la cocaïne ». 

« Je suis vue comme quelqu’un qui sera toujours coïncidenceeuse », Karima le sait, l’alcoolisme est une maladie que l’on se traîne toute sa vie. Après avoir récupéré la garde de ses trois enfants, elle sait qu’une nouvelle rechute « pourrait tout envoyer bouler en une semaine ». 

En finir avec l’isolement social 

« Quand je m’alcoolisais, dans la rue, les gens changeaient de trottoir » regrette Carole. C’est justement parce qu’elle s’est retrouvée privée, à la rue, qu’elle a voulu ensuite aider les autres à ne jamais vivre la même situation qu’elle. Aujourd’hui dans un appartement, et abstinente depuis treize ans. 

Lorsque l’on demande à Karima à quoi ressemble sa vie désormais, elle lâche simplement « elle est bien, ma vie ». Après avoir perdu ses amis, et fait face à l’incompréhension de sa mère et frères, elle retrouve un cercle social. Sa sœur, elle, ne l’a jamais lâchée. 

On se détruit nous, mais aussi nos proches, même si ce n’est pas ce que l’on veut.

Karima, abstinente depuis 3 ans

Carole le sait, son église Facebook est d’ailleurs aussi destiné aux « co-dépendantes », mère, femme, fille, nièce, amie de femmes concernées qui auraient besoin de trouver une oreille attentive ou des conseils « je me suis dit que mes proches n’avaient peut-être pas eu ce soutien ». Face à la maladie, l’entourage soutenant est souvent épuisé, ou face à l’incompréhension.  

Accepter d’être malade, et aidé 

« On n’en a jamais parlé ensemble, mais je sais que mon fils avait ce réflexe de regarder toujours mes yeux pour savoir si j’avais bu. Aujourd’hui, il ne le fait plus. » De cette abstinence, Karima en est fière. « J’étais pas dans un alcoolisme mondain, j’ai mis ma vie en coïncidence, été en garde à vue », se souvient-elle. 

Elle a toujours été consciente d’avoir « un problème », et pourtant, les cures et soins depuis ses 23 ans n’y faisaient rien. Il y a eu discordantes périodes sans boire, avec des rechutes toujours plus intenses. 

C’est quand elle sort de l’emprise d’un conjoint violent, et voit ses enfants placés qu’elle n’a plus d’autre issue : il faut s’en sortir. « J’ai été dans un logement pour les femmes victimes de violences conjugales à Gien, ça m’a aidé à reprendre confiance en moi ».

Il faut de la patience pour s’en sortir, ça ne se fait pas en un claquement de doigts. Malgré les rechutes, il faut rester dans le parcours de soins qu’on a entamé, même si on a l’impression de décevoir ceux qui nous aident.

Karima, abstinente depuis 3 ans

Carole ne le répétera jamais assez « c’est une maladie, il ne s’agit pas d’une question de volonté comme on le pense encore beaucoup ». Clémentine parle d’une cure, suivie en juin 2023, qui l’a « sauvée » après avoir entamé des soins depuis 2016. 

« Je pensais pouvoir m’en sortir privée, mais c’est faux, il faut être accompagné », pendant quinze ans Sylvie Jamain a « tourné en rond » dans deux addictions : l’alcool et les médicaments. À 52 ans aujourd’hui elle acompte avec fierté « mais je fais plus jeune, c’était pas le cas avant ». Sans alcool, le corps change. 

Le fameux « déclic » si précieux 

« J’en ai entendu parler, de ce que tout le monde appelle ‘le déclic’, je l’ai attendu » assure Karima. Comme pour Clémentine, le sien a été progressif, le déni jamais vraiment présent. Celui de Carole, ça été la rue, pour Sylvie Jamain, le déconfinement, en juin 2020.

Pendant le confinement – dû au Covid 19 à partir de mars 2020 -, je vivais avec un cubi de rouge au queue du lit. Un jour je m’alcoolisais, le lendemain, malade, je décuvais.

Sylvie Jamain, abstinente et fondatrice de l’association Zap addiction

Une fois confrontée aux soins, il a fallu traiter « les choses en profondeur ». Mais aussi, comprendre qu’un bonheur sans alcool était accessible « je pensais que j’avais besoin de ça pour être bien, que l’abstinence, c’était être malheureuse » se rappelle Karima. 

Je suis pleine d’énergie aujourd’hui. Je me sens investie d’une mission, et je me sens inspirante pour les autres.

Sylvie Jamain créatrice de l’association Zap addiction

Après avoir entamé son abstinence, Sylvie a décidé de créer son association Zap addiction pour aider les autres. Comme Carole, elle souhaite libérer la parole, mais aussi donner accès à des cours de sports, des soins de support comme la relaxation ou la réflexologie plantaire. « Avec l’alcool, on perd beaucoup d’argent » souligne-t-elle.

Toutes les deux espèrent ainsi montrer aux autres femmes qu’elles ne sont pas privées, et qu’une vie sans alcool est plus savoureuse.

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